Durabilité - explications

Ancrages institutionnels et légaux

Un tableau récapitulatif propose une vue d'ensemble des ancrage institutionnels ou légaux pour le développement durable/durabilité ainsi que pour l’éducation en vue d’un développement durable (EDD)/éducation à la durabilité (ED), du niveau international au niveau cantonal. Il propose également une différenciation entre les ancrages valant pour l’enseignement obligatoire de ceux de l’enseignement postobligatoire.

Durabilité et développement durable : de quoi parle-t-on ?

La Plateforme durabilité a pour objectif de fournir les connaissances scientifiques les plus récentes aux enseignant·e·s. Cette page présente des explications issues des concepts de durabilité utilisés par l’UNIL et par la HEP Vaud.

Au sein du champ de recherche interdisciplinaire nommé « Études de la durabilité » (sustainability studies), une distinction est souvent établie entre durabilité et développement durable.

Dans ce cadre, la durabilité désigne un fonctionnement des sociétés humaines, en particulier dans leur relation à l’environnement naturel, qui assure leur stabilité à long terme, et rend possible l’épanouissement humain au travers des générations. Cela implique de maintenir l’impact des activités humaines dans les limites écologiques de la planète, tout en assurant les besoins fondamentaux de toutes et tous et en favorisant l’équité dans toutes ses dimensions (définition du Centre de compétences en durabilité de l’Université de Lausanne). Il s'agit d'un état souhaitable vers lequel tendre. 

D’autres approches et interprétations existent en parallèle et utilisent des concepts tels que la gestion durable des ressources naturelles ou l'économie durable. De fait, de nombreuses disciplines (l’économie, le droit, la psychologie, la science politique) s’intéressent à la durabilité, contribuant à en faire un objet d’étude profondément interdisciplinaire.

Le développement durable correspond à la stratégie politique élaborée dans les années 1980, dans le cadre diplomatique de l’Organisation des Nations Unies (ONU), en réponse aux préoccupations environnementales de la seconde moitié du XXe siècle. Dans ce cadre, le concept de développement durable prévoit qu’une expansion économique, mesurée par la croissance du produit intérieur brut (PIB), est compatible avec le respect des limites écologiques, tout en permettant la satisfaction des besoins de base de l’ensemble de la population mondiale (cf. ODD 8). La possibilité que la croissance du PIB puisse être découplée de la consommation de ressources et des impacts environnementaux est cependant critiquée depuis les années 1970, tant au niveau académique qu’au sein de la société civile.

Le modèle tridimensionnel du développement durable (trois sphères ou piliers économique, social et environnemental) n’est plus d’actualité au sein de la communauté scientifique, car cette représentation laisse penser qu’un équilibre est possible entre ces trois piliers sans hiérarchisation. Dès lors, des approches multidimensionnelles qui rendent visibles les arbitrages nécessaires, au lieu de les éluder, sont privilégiées (voir par exemple les modèles proposés plus bas : wedding cake, donut).

Indépendamment de ces réflexions scientifiques, les expressions « durabilité » et « développement durable » sont utilisées à ce jour de façon synonyme aux niveaux politique et juridique.


Pour le gouvernement vaudois, la durabilité correspond à "un fonctionnement pouvant satisfaire les besoins de tous les individus, aujourd’hui et demain, ici et ailleurs, dans le respect des limites planétaires". (extrait de l'Agenda 2030, p.7 et du Programme de législature 2022-2027, p.16)

Pour plus d'information concernant la démarche cantonale vaudoise, se rapporter à la page de l'Office cantonal de la durabilité et du climat qui présente les bases légales, l'Agenda 2030 cantonal adopté en 2021 ainsi que différentes publications.


Agenda 2030 de l'ONU

En 2015, l’ONU a lancé l’Agenda 2030, programme de développement durable à l’horizon 2030 (faisant suite à l’Agenda 21 adopté en 1992 et aux objectifs du millénaire). L’Agenda 2030 implique que tous les acteurs agissent en faveur des mêmes 17 objectifs de développement durable (ODD) en fonction des spécificités locales.

En Suisse, l’Agenda 2030 est adapté aux échelons fédéral, cantonal et communal. Il s’agit du cadre de référence à l’action publique actuelle en faveur du développement durable.

L’Agenda 2030 international a été construit sur un large consensus politique qui a permis son adoption à l’unanimité de l’Assemblée générale de l’ONU. Il en résulte des forces et des faiblesses. Ainsi, l’Agenda 2030 fournit une grille multidimensionnelle qui peut contribuer à mettre en évidence des synergies ou des tensions mais ne préjuge pas des arbitrages à faire entre les différents objectifs.

Modèle du wedding cake

De nombreuses publications scientifiques se font le relai de ces tensions au sein de l’Agenda 2030 et d’une nécessaire priorisation entre objectifs.

C’est pourquoi le modèle du wedding cake (gâteau de mariage, voir fig. 1), par exemple, propose de hiérarchiser les ODD, en posant comme socle indiscutable du fonctionnement socio-économique la préservation de la biosphère (ODD 13, 14 et 15) et un accès et une gestion durable des ressources en eau (ODD 6). Cette réorganisation rappelle que l’économie est un moyen d’atteindre des objectifs sociaux, tout en respectant les contraintes environnementales.

Alors que les programmes politiques de développement durable (Agenda 21, Agenda 2030) intègrent des objectifs parfois antagonistes, sans priorisation apparente, le concept de durabilité sur lequel s’appuie le wedding cake propose de les ordonner.

Fig.1 Les 17 Objectifs de développement durable (ODD) sous forme de liste (en haut, un.org, 2015) et hiérarchisés selon le modèle du wedding cake (en bas, stockholmresilience.org, 2019).

Durabilité: modèles des limites planétaires et du donut

Si tous les êtres humains de la Terre vivaient comme un·e Suisse·sse moyen·ne, il faudrait trois planètes pour satisfaire les besoins et absorber les rejets de la population mondiale. Cette dernière consomme actuellement l’équivalent de 1,7 planètes, mettant en danger le vivant et les conditions de subsistance à moyen terme d’une grande partie de l’humanité.

Le terme de « durabilité » – sustainability en anglais – désigne une humanité dont l’empreinte écologique est réduite à l’équivalent d’une planète, c’est-à-dire qu’elle ne dépasse pas la capacité de charge du système-Terre, tout en assurant les besoins fondamentaux et le bien-être de toutes et tous. Pour illustrer ce défi, la recherche scientifique a développé des modèles qui permettent de mieux saisir les interactions entre les différents problèmes environnementaux.

Le modèle des limites planétaires identifie par exemple onze variables pour lesquelles des limites à ne pas franchir sous peine de perturber de manière potentiellement irréversible l’écosystème planétaire peuvent être fixées. En évaluant l’état actuel de chacune de ces variables, le modèle pointe les problèmes environnementaux les plus inquiétants et l’urgence qu’il y a à y remédier. En automne 2023, six des neuf limites planétaires sont considérées comme dépassées par la communauté scientifique (voir fig. 2). Il est donc urgent de revenir au sein d’un espace de fonctionnement sécurisé pour préserver l’habitabilité humaine de la planète.

Limites planétaires

Fig. 2: Limites planétaires, état septembre 2023 (traduit d'après Azote for Stockholm Resilience Centre, based on analysis in Richardson et al 2023)

La réduction de l’empreinte écologique ne concerne pas tous les êtres humains de la même manière. D’une part, certains pays et groupes sociaux ont une responsabilité passée et présente plus importante que d’autres dans les dégradations environnementales. D’autre part, la satisfaction des besoins fondamentaux, permettant de mener une vie digne, n'est pas assurée pour toutes et tous. Ces deux problèmes présentent des disparités tant au niveau spatial que temporel.

Celles et ceux dont les besoins fondamentaux ne sont pas assurés sont d’ailleurs celles et ceux qui portent le moins la responsabilité des dégradations environnementales. Afin que la durabilité s’accompagne de justice environnementale, il est nécessaire que les plus aisés réduisent leur empreinte écologique afin que les plus démunis puissent satisfaire leurs besoins de base.

C’est pourquoi la théorie économique du « donut » complète le « plafond » fixé par les limites planétaires par un « plancher » composé de douze fondements sociaux qui devraient être garantis pour toutes et tous (voir fig. 3). Une économie au service d’une société juste et durable respecterait les limites fixées par le plancher social sans dépasser celles fixées par le plafond écologique, maintenant ainsi l’humanité dans un espace de fonctionnement juste et sécurisé. En d’autres termes, l’enjeu est de maintenir l’impact des activités humaines à l’intérieur des limites écologiques planétaires, tout en garantissant les besoins fondamentaux et le bien-être de toutes et tous. 

Pour plus d'informations, l'article « Les dimensions du Donut de Kate Raworth » par Estefania Amer présente une synthèse de chacune des composantes environnementales et sociales du Donut et leurs interactions.

Fig. 3 : Modèle économique du donut (Cellule durabilité, d’après Raworth, 2018, traduit).


Pour en savoir plus

La HES-SO a développé des FlashLearns Durabilité, sous forme de capsules vidéos, qui abordent les définitions, modèles et stratégies liés au développement durable, à la durabilité, aux limites planétaires et au donut.


Références scientifiques sur la durabilité

Amel, E., Manning, C., Scott, B., & Koger, S. (2017). Beyond the roots of human inaction: Fostering collective effort toward ecosystem conservation. Science, 356(6335), 275-279.

Barnosky, A. D., Hadly, E. A., Bascompte, J., Berlow, E. L., Brown, J. H., Fortelius, M., ... Marquet, P. A. (2012). Approaching a state shift in Earth's biosphere. Nature, 486(7401), 52-58.

Bradshaw, C. J., Ehrlich, P. R., Beattie, A., Ceballos, G., Crist, E., Diamond, J., ... & Blumstein, D. T. (2021). Underestimating the challenges of avoiding a ghastly future. Frontiers in Conservation Science, 1, 9.

Ceballos, G., Ehrlich, P. R., Barnosky, A. D., García, A., Pringle, R. M., & Palmer, T. M. (2015). Accelerated modern human–induced species losses. Entering the sixth mass extinction. Science Advances, 1(5), e1400253.

Crutzen, P. J. (2002). Geology of mankind. Nature, 415, 23.

Elhacham, E., Ben-Uri, L., Grozovski, J., Bar-On, Y. M., and Milo, R. (2020). Global human-made mass exceeds all living biomass. Nature 588, 442–444.

O'neill D., Fanning A., Lamb W., Steinberger J. (2018). A good life for all within the planet boundaries. Nature sustainability 1, 88-95.

Raworth, K. (2018). La théorie du donut. L’économie de demain en 7 principes. Paris : Plon.

Steffen, W., Broadgate, W., Deutsch, L., Gaffney, O., & Ludwig, C. (2015). The trajectory of the Anthropocene: the great acceleration. The Anthropocene Review, 2(1), 81-98.

Steffen, W., Richardson, K., Rockström, J., Cornell, S. E., Fetzer, I., Bennett, E. M., ... Sörlin, S. (2015). Planetary boundaries: guiding human development on a changing planet. Science, 347(6223), 1259855.

Steffen, W., Rockström, J., Richardson, K., Lenton, T. M., Folke, C., Liverman, D., et al. (2018). Trajectories of the Earth system in the Anthropocene. Proceedings of the National Academy of Sciences (U.S.A.) 115, 8252–8259.

Wynes, S., & Nicholas, K. A. (2017). The climate mitigation gap: education and government recommendations miss the most effective individual actions. Environmental Research Letters, 12(7), 074024.

 

Certains de ces articles ne sont pas en accès libre. Ils sont cependant accessibles depuis certains établissements et depuis les ordinateurs des différents sites de la Bibliothèque cantonale et universitaire.